« Ma caméra, je l’ai volée à Darty. A l’époque tu pouvais tester les produits dans le magasin. Mais dès qu’ils me l’ont filée, je suis parti en courant. Je crois que ce jour-là, j’ai battu le record d’Usain Bolt », raconte Tonton Marcel, le journaliste « toujours au cœur du ter-ter ».
Depuis 2007, il interviewe caméscope au poing le gratin du rap français pour son site N-Da-Hood.com . 7 ans après ses débuts, les audiences crèvent le plafond avec plus d’un million de vues par mois sur YouTube et 500.000 visiteurs uniques sur le site.
« Désormais je suis l'homme au bob » / Crédits : Mathieu Molard
Dans les cuisines de Tonton Marcel
StreetPress le retrouve, bob noir vissé sur la tête, dans un restaurant à deux pas de Saint-Michel. C’est dans cet établissement plutôt coté qu’il exerce son vrai métier : cuisinier. Tout en grignotant des financiers à la framboise faits maison, Marcel enchaîne les anecdotes façon Père Castor :
« Quand je suis arrivé à Paris à 8 ans, je n’avais pas compris que je n’étais plus en Afrique. Quand j’ai vu tous ces blancs par la fenêtre, j’ai paniqué. Je suis où là ? »
A Abidjan, il vit chez un oncle pilote d’avion. Et quand il prend la direction de la France, c’est pour rejoindre les quartiers cosys de la banlieue parisienne, où l’accueille un autre frère de son père :
« C’est lui qui m’a élevé, mon père est mort quand j’étais tout jeune. »
L’école ? « J’étais carrément nul ! » Très vite il s’oriente vers la cuisine. Avec un apprentissage dans « un gastro », tenu par la femme du prix Nobel de physique Pierre-Gilles de Gennes :
« Je mangeais plus de saint-Jacques et de caviar que de mafé. »
La patronne le prend sous son aile et quand, après un chagrin d’amour, il veut prendre le large, sa « grand-mère » de substitution lui trouve un poste dans un restaurant du Colorado. Il vit quatre ans son rêve américain. Puis retour en France en 2004, pour les beaux yeux d’une employée croisée alors qu’il faisait le plein :
« Elle est devenue la mère de mes enfants. »
Rap VS Porno
Dès le collège, le Marcel des quartiers résidentiels a déjà un pied dans « le ter-ter » et c’est ado qu’il rencontre quelques-unes des futures têtes du rap-game :
« Diams, je suis sorti avec l’une de ses meilleurs copines et Sinik, son père c’était mon entraîneur de foot. »
Vidéo 2009, Booba devant la cam’ de Tonton
Mais quand il plonge des deux pieds dans le monde du hip-hop et lance avec un ami N-Da-Hood.com, c’est le nom de son grand frère qui lui ouvre pas mal de portes.
Car l’aîné a un gros CV : Ex « Black Dragon », le célèbre gang de chasseurs de skins des 90’s, devenu garde du corps de pas mal de rappeurs français. Son premier buzz, Tonton Marcel le doit à l’ancien leader des Black Dragon, Jo Dalton, un ami de son frère :
« Rohff l’avait clashé, Jo a donné sa réponse en exclusivité à Tonton Marcel ! »
N-Da-Hood.com, jusque-là confidentiel, décolle faisant au passage une victime collatérale insoupçonnée… Le site porno N-Da-Hood.fr qui perd tout son référencement et sombre dans les profondeurs de Google :
« Ils ont envoyé un courrier pour nous dire qu’à cause de nous, ils allaient fermer. »
Business is business
Vidéo La vidéo qui a lancé le sosie de Booba
Avec plus de 900 vidéos en sept ans, Tonton Marcel aura filmé à peu près toutes les vedettes du rap français, de Booba à La Fouine en passant par Medine. Et parfois bien avant tout le monde – il revendique par exemple la première interview de Sexion d’Assault, mais aussi la découverte des ghetto-freaks Swagg Mann et Brahim Tavarez aka B3O, le sosie non-officiel de Booba. « Faut aussi ramener de l’humour dans la rap, qui manque vraiment d’autodérision. » Tonton Marcel, roi du Buzz… et du business.
Son million de vues mensuelles sur YouTube rapporterait, selon nos estimations , entre 1.000 et 1.500 euros, auxquels il faut ajouter les revenus des bannières publicitaires présentes sur le site. Pour ramener un peu de cash et offrir « des nouvelles baskets à [ses] enfants », Tonton fait aussi payer certaines de ses interviews :
« Si c’est toi qui viens voir Tonton Marcel pour qu’il parle de toi, qu’il te mette bien, c’est 100 euros ! »
Et ça marche : pendant notre interview son téléphone sonne et en moins de trois minutes le deal est négocié. Tournage prévu le vendredi suivant. Jamais à cours d’idée, Marcel a un nouveau concept en tête pour « mettre bien » les rappeurs. « Je prépare une émission où ils vont faire la cuisine. » Et d’assurer que les candidats se bousculent :
« Tout le monde veut passer devant la caméra de Tonton Marcel ! »
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