« Avant mon interview pour Paris Dernière, je m’étais complètement éclaté à la coke et à la tise avec un pote dans le bois de Boubou », raconte Johann Zarca, l’auteur des romans Le boss de Boulogne et de Braquo dans l’underground. StreetPress le retrouve dans un rade cradingue de la rue Faubourg-du-Temple (Paris 10e). Teint olive, valoches sous les yeux et fier de ses gencives vérolées, Zarca a la gueule de l’emploi : celle du romancier des bas-fonds, amateur de putes à 30 euros la passe et de cocaïne coupée au bicarbonate de soude.
Aujourd’hui, il est défoncé à la Ritaline, un psychostimulant pour gosses qui souffrent de trouble de l’attention :
« Quand tu prends ça, tu peux lire un bouquin d’une traite ! »
Un fils de bourges à Boubou
Depuis le printemps 2014, Zarca connait sa petite heure de gloire. Son roman Le Boss de Boulogne est encensé par la presse intello, de France Culture aux chroniqueurs BCBG d’Eric Nauleau sur Paris Première. Le pitch : une bande de lascars décide d’écouler ses barrettes de shit, sa coke et son crack aux travelos du Bois de Boulogne. Une histoire de tueur en série devient le prétexte pour raconter « Boubou » avec les yeux d’une petite frappe : ici, on boit de la Maximator au petit-déj’ et les parties de baise avec les Brésiliennes finissent avec une chiasse sur le zob.
Mais derrière son accent de titi parigot à couper au couteau et ses histoires über-trash se cache un fils de bourge. Zarca a grandi dans un pavillon de Bry-sur-Marne dans le Val-de-Marne. Son père est médecin, sa mère une femme-au-foyer qui connaît ses classiques. « Elle aime beaucoup Chuck Palaniuk alors ce que j’écris ne la choque pas », confie-t-il.
MDMA, travelos et HLM
Pour son roman Le Boss de Boulogne, Zarca estime s’être inspiré à 80 pour cent d’histoires vraies. Comme celle de ce prostitué qui propose de sucer gratuitement les passants. Ou de ces Chinois qui tournent dans le bois avec des snacks et des boissons qu’ils vendent aux tapins. Il y a quelques années, il enchaînait les nuits au Bois à fumer et sniffer avec ses potes. Et parfois se faire sucer par des trav’. « J’ai écrit cette histoire à la pire période de ma vie », juge-t-il aujourd’hui.
Les personnages bras-cassés tendance junkie de son roman Braquo dans l’underground sont, eux, inspirés par ses anciens collocs. Pendant 1 an et demi, Zarca vit dans un HLM de Fontenay-sous-bois avec 3 amis :
« C’était un véritable squat et on était défoncés tout le temps. Une fois, sous MDMA, on avait fait monter les cracktons du parc en bas de chez nous. Ça a failli se finir en baston. »
Irwin Welsh appréciera.
Rêves de lascars
Quand on demande à Stéphanie Chevrier, responsable des éditions Don Quichotte, si son auteur a bien vécu les choses hardcore qu’il raconte, elle est catégorique :
« J’ai publié beaucoup de gens avec des passés très dur, et j’ai bien senti qu’il était dans ce cas. »
Zarca, 30 berges, concède, lui, jouer de son image de petite frappe :
« La 1ère question que m’a posé Eric Nauleau à Paris Première, c’était pour savoir si j’étais un voyou. Je ne réponds jamais vraiment, c’est quand même plus golri de voir les gens en débattre ! »
(img) Le Boss de Boulogne
Réservé, voire timide, il distille avec parcimonie quelques épisodes de sa vie agitée. Au lycée, il change trois fois d’établissement en trois ans avant d’obtenir son bac à 21 ans, inscrit en candidat libre. « Les profs croyaient que je venais d’une famille de cassos ! » rigole-t-il.
Zarca a aussi des rêves qui tranchent avec son milieu social petit bourgeois. Fort d’une ceinture noire 2e dan en judo et d’un bon niveau en boxe thaï, il a ambitionné de faire une carrière pro dans le MMA. Il n’ira pas plus loin qu’un diplôme d’éducateur sportif et un job de prof de Ju-Ji-Tsu. Plus tard, il multiplie les allers-retours en Thaïlande et au Cambodge, où il a vécu de 2010 à 2012. Il y tâte de l’opium, de l’héroïne, du yabaa et surtout de l’ « excellente cocaïne ». Mais l’Erasmus à Pattaya vire au séjour en Enfer :
« Un de mes potes s’est pendu. Je me suis barré parce que là-bas tu es défoncé tout le temps et tu ne peux pas survivre. C’est vraiment hardcore. »
Selby, Frédéric Dard et moi
A ses 24 ans, Johann Zarca s’est inscrit dans une école de journalisme à 7.000 euros l’année. Il y découvre qu’il ne veut pas faire ce métier. C’est à ce moment qu’il se tourne vers le roman et commence le manuscrit du Boss de Boulogne :
« Les lascars du bois n’intellectualisent pas ce qu’ils y vivent. Je suis peut-être le premier à faire ça. »
Il n’écrit qu’en argot. Le mec sait épeler « la-luice » – à prononcer « lawis » – ou connaît l’étymologie du mot « blarf’ », un diminutif de « fomblard » explique-t-il. Mais il met les distances avec le milieu du rap dans lequel il est parfois englobé :
« Tu verras jamais ces mecs parler de déviance, de sexualité ou reconnaître qu’ils se tapent des trav’ au Bois. On ne parle pas de la même chose. »
Ses références : Frédéric Dard, Hubert Selby Jr et Iceberg Slim. L’écriture, il la voit comme un moment de détente pour s’adonner à ses délires. Depuis ses 6 ans, il raconte des histoires :
« A l’époque je dictais des trucs à mon frère qui devait les retranscrire. Ça s’appelait les Voyages de Robert. »
Son prochain roman parlera de lascars qui s’expatrient en Thaïlande. En attendant, il trimballe à son poignet un petit sac plastique troué. Dedans, des exemplaires de Braquo dans l’undergound, son roman auto-édité. Zarca pousse son concept de « littérature vandale » jusque dans sa distribution en donnant rendez-vous à ses fans sur Facebook pour organiser des ventes sauvages.
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