« Démographiquement, les musulmans ça commence à compter, c’est environ 10% de la population française », explique Anass Patel, qui termine sa pause déjeuner en sirotant un thé à la menthe. Depuis mars dernier, le diplômé de l’ESC Lille a lancé Easi Up, un site de financement participatif à la KissKissBankBank. Sa particularité : la plateforme ne porte que des projets qui répondent à une charte s’appuyant sur la finance islamique.
Dans ses bureaux du 5e arrondissement dont la vitrine donne directement sur la rue, une demie douzaine d’employés s’affairent autour d’Anass Patel et de son associé. Deux mois après le lancement, Easi Up héberge 4 projets, dont 2 ont déjà été entièrement financés, comme ce tableau numérique à destination d’une école musulmane. Mais toutes les initiatives ne sont pas en lien avec la religion ou la culture muslim : un projet propose de financer le développement d’une start-up qui se lance dans… les tétines pour bébé, rétractables !
« On est présents sur les quatre grandes catégories du crowdfunding : don, prévente, prêt et prise de participation » [en actions ou obligations, ndlr], complète Anass Patel.
Finance Islamique Avant de lancer Easi Up, l’entrepreneur avait créé en 2011 une première société spécialisée dans le financement et le conseil en immobilier, respectueux de l’éthique islamique, « une finance juste, équitable et transparente ».
Des valeurs désormais appliquées également à la levée de dons et de fonds. Dans les grandes lignes, Easi Up fonctionne comme ses grandes sœurs Kiss Kiss Bank Bank ou Ulule : elle met en relation des entrepreneurs, des associations ou des étudiants qui souhaitent lancer un projet avec des particuliers désirant donner un coup de pouce ou « un sens à leur épargne ». A la seule différence que chez Easi Up, on se fait un devoir de présélectionner les porteurs de projets pour « s’assurer qu’aussi bien leur activité que les modalités contractuelles respectent la charte éthique. » :
> Des projets à vocation solidaire ou au moins développant une économie sur le long terme.
> Pas de spéculation, ni de taux d’intérêts – Easi Up accepte les prêts à taux zéro, contrairement à Ulule ou KKBB, qui ne reposent que sur les dons.
> Respecter la « bienséance selon l’éthique musulmane » : « pudeur », « neutralité »…
Pour se financer le site prélève une commission sur les transactions à hauteur de 5% plus les frais « de 2% environ ». Des montants comparables aux plateformes les plus connues (8% pour Ulule, par exemple).
Les cofondateurs d’Easi Up – au centre, Anass Patel
Marketing Les fondateurs d’Easi Up ciblent un marché porteur et encore peu exploité. Une communauté avec « un pouvoir d’achat qui est en train de s’affirmer. […] Il y a une demande, une clientèle, il faut pouvoir l’atteindre », analyse Anass Patel. Selon un sondage réalisé par sa première société, 57% des musulmans seraient intéressés par des produits conformes à l’éthique musulmane. Ce qui vaut pour la finance islamique traditionnelle, s’appliquerait au financement participatif.
Projets Norédine Allam a déposé son projet sur Easi Up il y a quelques jours : un agenda du Muslim Show, dérivé de la BD du même nom, déjà en librairie. S’il a fait le choix d’Easi Up c’est avant tout une histoire de valeurs : « la plateforme est compatible avec l’éthique mise en avant dans l’agenda. » En plus des bd humoristiques, le cahier de texte propose des « proverbes d’inspirations musulmanes », « un glossaire islamique »… Mais c’est aussi la réputation de l’équipe d’Anass qui a poussé Norédine Allam à choisir sa plateforme :
« Dans le milieu [de la finance islamique] ils sont très respectés pour leur caution intellectuelle et la qualité de leur suivi juridique et financier. »
Pourtant, même si son projet éditorial vise la communauté musulmane, choisir cette plateforme était plutôt une prise de risque. « C’est un site encore jeune et peu connu du grand public. On aurait sûrement eu plus de succès sur KickStarter, mais on y tenait, même si c’est moins rentable ».
Concurrence Le marché du Crowdfunding islamique serait prometteur. Et déjà la concurrence s’organise. A peu près au moment de la création d’Easi Up naissait Aoon, l’autre « première plateforme de crowdfunding éthique ». Fodil Mahani, le fondateur, met lui aussi en avant un certain nombre de valeurs (solidarité et générosité) et revendique contribuer « au développement de la communauté ».
Il y a une demande, une clientèle, il faut pouvoir l’atteindre
bqhidden. On aurait sûrement eu plus de succès sur KickStarter, mais on y tenait
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